"Théorie de l'acteur-réseau et processus entrepreneurial" dans Processus entrepreneurial et réseau social : A dynamic perspective, Edward Edgar Publishing, juillet 2016
Lamine, W., Fayolle, A., Chebbi, H. (2016)
Le succès des entreprises innovantes émergentes est d'une importance capitale. Ce succès dépend, bien sûr, des structures et des programmes de soutien (Fayolle, 2004), mais aussi de la manière dont les entrepreneurs naissants interagissent avec leur environnement. Bien que la mondialisation et le marché économique mondial aient fait l'objet de nombreuses discussions, les innovations et les connaissances sont souvent produites localement par des réseaux d'acteurs situés sur un territoire donné (Heraud et Levy, 2005 ; Littunen, 2000 ; Pecqueur, 1997 ; Rallet et Torre, 2005). Bien que de nombreuses études aient cherché à mieux cerner le rôle et l'importance des réseaux sociaux dans l'entrepreneuriat (Hoang et Antoncic, 2003 ; Davidsson et Honig, 2003 ; Dubini et Aldrich, 1991 ; Witt, 2004 ; Hite, 2005 ; Jack, 2010 ; Martinez et Aldrich, 2011), les connaissances disponibles aujourd'hui sont encore insuffisantes pour appréhender la complexité de ce phénomène dans sa globalité (Slotte-Kock et Coviello, 2010).
L'objectif de la présente étude est, d'une part, d'améliorer notre compréhension du processus de création d'entreprises innovantes, en mettant l'accent sur les caractéristiques spécifiques de la phase de survie/développement (Bruyat et Julien, 2001 ; Fayolle, 2007) et, d'autre part, de contribuer à la littérature sur les réseaux d'entrepreneurs en examinant la dynamique de la création et de l'évolution des liens au fil du temps (Jack et al., 2010). Bien que ce sujet ait suscité un intérêt considérable parmi les chercheurs (par exemple Hoang et Antoncic, 2003 ; Stervinou et Legrand, 2008 ; Slotte-Kock et Coviello, 2010 ; Chabaud et Ngijol, 2010), nous avons été surpris de constater que peu d'études empiriques ont examiné le rôle des objets non humains dans la dynamique des réseaux entrepreunariaux, d'autant plus que le processus de création d'entreprise est intrinsèquement un mélange d'éléments humains et non humains (Bruyat, 1993 ; Jones et al., 2010).
Notre étude empirique a observé la création d'une entreprise innovante sur une période de deux ans. Cela nous a permis de mieux comprendre les conditions et la dynamique de la formation et de la cristallisation d'un réseau entrepreneurial durant la phase de survie/développement du processus entrepreneurial (Bruyat, 1993 ; Fayolle, 2007). Cette étude apporte donc plusieurs contributions à la littérature sur les réseaux sociaux et le processus entrepreneurial. Premièrement, cette analyse longitudinale et qualitative nous a permis de mieux comprendre la dynamique de création et de développement des réseaux entrepreneuriaux (Hite, 2005 ; Jack, 2010 ; Slotte-Kock et Coviello, 2010). Deuxièmement, en nous appuyant sur la théorie de l'acteur-réseau (Callon, 1986a), nous contribuons à la théorie de l'entrepreneuriat en étudiant le rôle des éléments non humains durant les phases initiales du processus entrepreneurial. Cette étude de cas a révélé que les objets matériels étaient omniprésents tout au long du processus de création d'entreprise. Plus précisément, nous nous sommes concentrés sur le rôle des artefacts techniques dans le processus de construction du réseau et l'augmentation du capital social de l'entrepreneur naissant (Davidsson, 2006). Troisièmement, l'unité d'analyse examinée ici diffère de celle utilisée dans la plupart des études précédentes. Au lieu de nous concentrer sur l'entrepreneur en tant qu'unité d'analyse, nous avons privilégié les changements dans le réseau entrepreneurial lui-même (Jack et al., 2010). Ce dernier, à son tour, a été utilisé comme un moyen d'améliorer notre compréhension de la dynamique de la phase de survie/développement.